Suzanne avait choisi de prendre l’escalier. À chaque marche sa colère montait, et une fois arrivée au cinquième une chose était sure c’est que Marcel allait l’entendre.
Elle ouvrit la porte de l’appartement et entendit le bruit du clavier de Marcel dans le Salon. Il était sans doute en train d’écrire à l’autre salope
Elle ouvrit la porte du salon
— À qui tu écris ?
Et là ça avait commencé à ne pas du tout ressembler ce qu’elle attendait
— Je pense qu’il vaut mieux que tu ne le saches pas chérie, pour ta sécurité.
Elle resta bouche bée
— Heu… Pardon ?!!
— Il vaut mieux que tu ne saches pas tout, ça peut être dangereux.
— Dangereux ? Comment ça dangereux tu crois qu’elle me fait peur ta poule ?
— Ma poule ? De quoi tu parles ?
Cette fois-ci il semblait déstabilisé, elle avait repris le dessus dans la conversation.
— Je sais tout Marcel, tu as rencontré une femme sur le web et vous passez vos journées à échanger des messages. Ne mens pas je le sais j’ai bien vu que tu supprimais tous tes mails pour que je ne découvre pas les cochonneries que vous vous racontez…
— hein ? Mais… Mais… il n’y a pas de femme… Je… Je communique avec Razorback911 c’est pas une femme. c’est un homme.
Il semblait stressé.
Et là, elle se rappela cet article de Marie-France, où, elle avait lu le témoignage de cette femme qui racontait qu’un beau matin celui avec qui elle vivait depuis 10 ans lui avait avoué qu’il était homosexuel.
Ce à quoi le pseudo conseillé sexo-conjugal du journal (une espèce de vieux réac d’après Suzanne), lui avait expliqué que c’est ce qui arrivait souvent dans les couples où la femme était trop directive ou castratrice.
Et même si Suzanne pensait que « chacun fait ce qu’il veut avec son cul ! », elle avait du mal à imaginer Marcel en train de faire son coming-out.
Ben si, apparemment.
« Razorback911 n’est pas une femme ? dit-elle un peu affolée. Mais alors, Tu es Gay ? »
— Hein ?
Il semblait finalement trop surpris pour que ce soit ça.
— Mais non, pas du tout !
— Alors quoi ? dit elle.
Et il lui expliqua : les forces fascisantes qu’il dérangeait, Les agences gouvernementales qui le photographiaient. La résistance numérique dont Razorback911 était membre et qui l’aidait à éviter de se faire prendre, il ajoutât même deux trois trucs sur les autres sujets qui agitaient ses potes de Barjoland… Kennedy, les aliens, le 11 septembre et les anciens astronautes. Il lui déballa tout depuis le début.
Et là c’était elle qui était sans voix.
Ils étaient bien, tiens.
— Marcel, tu devrais respirer un peu et te détendre, dit elle. Donc, si je résume tu penses que des espions te surveillent à cause de tes engagements politiques ?
— Oui Pogloff, Mai 68, le Syndicat, j’ai du les énerver un peu trop
— Voilà, voilà… et donc un type te photographie tous les soirs ?
— Ouais, un type d’une agence gouvernementale.
— Voilà, voilà... tu ne te dis pas que tu en rajoutes un peu non, c’est peut être quelqu’un qui fait simplement des photos dans le quartier
— Le soir au moment ou je ferme les volets ?
— Tous les soirs ? lui dit elle.
— Non pas tous les soirs, parfois
— Voilà, voilà... et te dire que vous avez simplement les même horaires ?
— C’est ce qu'ILS veulent essayer de faire croire
— Comment te dire : vous étiez quand même quelques milliers à Pogloff ou dans le Larzac, et ne m’en veut pas, avec tes scores pitoyables aux municipales de 83, tu dois pas faire peur à grand monde au gouvernement.
Il la regarda, surpris.
— T’es sure ?
— Je crois bien oui.
— Ha ? Donc je m’inquiète pour rien ?
— Voilà, tu devrais essayer de reprendre une vie normale. Tu comprends.
Oui j’ai compris ils t’ont retournée, pour que tu me fasses croire que je suis en sécurité c’est ça... Tout en parlant, il la repoussa vers la porte du salon. Et quand elle passa dans le couloir, il s’enferma.
Bon ben on est bien. se dit Suzanne, on est bien, je ne suis pas cocu mais lui il est barjo et parano en plus.
Et elle alla téléphoner au docteur Leroy.