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Kurt • partie 3

Temps de lecture : environ 4 minutes

Kurt regardait par la fenêtre depuis plus d'une heure. Ses francforts décongelaient et lui, il n'arrivait pas à détacher ses yeux du camion rutilant. "Son" camion. Sur le coté, une grande pancarte annonçait "Le Père Charlie - le roi du chien-chaud".  A l'avant et à l'arrière, des petits drapeaux flottaient au vent, sur lesquels on distinguait une saucisse souriante qui arborait des oreilles et une queue poilue digne d'un golden retriever.

Kurt avait cette curieuse impression que rien de tout cela n'était vraiment réel. Il flottait dans une semi-réalité depuis qu'il avait signé un contrat avec le tchèque. Kovac s'était occupé de tout : la publicité, les réseaux sociaux, le camion, les drapeaux avec la saucisse-chien et les baguettes de pain. Tout était calé pour ce soir, il n'était plus possible de reculer.

Sur le périphérique ça avait mal roulé. Réussir à convaincre les gars du service de sécurité du stade de France qu'il avait le droit d'être stationné à deux pas des portes et que tous les papiers étaient en régle (Kovac y avait pouvu), avait été une galère sans fin. Ça partait mal. Enfin il avait pu ouvrir son camion, faire chauffer sa machine et découper des petits pains. Le point positif était que le concert de Céline Dion attirait un monde fou. Au milieu des petits groupes de fans qui hurlaient des «pour que tu m'aiiimeeeuuhh encoreeuh» des badauds commençaient à s'approcher de lui, curieux. Il avait même réussi à vendre quelques hot-dogs.

« Dites, vous ! L'interpella une femme à l'air sévère. Vous n'avez pas honte de cuisiner du chien ! Je suis vegan et je vais vous mettre le répression des fraudes au cul!
–mais madame non ! Dit-il
– mouais. Et puis vous marquez "chien chaud" au lieu "de chien•ne•s chaud•e•s" . En plus vous êtes sexiste ... Comme tous ces vieux bouseux du Perche. Avec leur mentalité patriarcale...»
Kurt ne savais pas comment se débarrasser d'elle Quand tout à coup il entendit...
– mais casse toi conne de bobo fouz y la paix.
Une jeune fille qui semblait en furie s'en prenait à la vegano-féministe et prenait sa défense.
La «conne de bobo» bâtit en retraite et Kurt détailla sa sauveuse. Blonde plutôt jolie quoi qu’apparemment en surpoids puisqu'elle semblait boudinée dans son blouson.
Elle lui sourit et dit avec un fort accent percheron : «comme on est pays toué et moué j'peut le dire j'en peut plus de les supporter ces parigots qui font monter l'prix de l'immobilier par chez nous. Puis elle ajouta. D'ailleurs j'en peut plus non plus des Québécois qui singent nôtre accent»
Kurt était interloqué
–Ben on se demande bien ce que vous venez faire à un concert de Céline Dion au stade de France ?
– c't'évident si je suis sortie ce soir c'est pour me faire sauter!
Kurt rougit jusqu'aux oreilles.
Elle ouvrit largement son blouson et il blêmit instantanément. Autour de son corps un chapelet de bâtons de dynamite était fixé au scotch à colis.

Kurt déglutit.

La jeune femme, sortant brusquement un briquet de sa poche se mis à tapoter avec sur un des bâtons comme si elle allait décapsuler une bière. Alors qu'il hésitait encore sur la marche à suivre (crier ? s'enfuir ? fermer les yeux ? ) elle brandit soudain devant lui un tube transparent, dans lequel on distinguait ce qui dans un tout autre contexte aurait pu simplement être une innocente tranche de jambon roulée.

– Mais non, j'rigole - fit-elle. Tâter un peu si c'est pas de la qualité. C'est mon Eulalie qu'à gagné 3 fois l'concours du plus beau cochon d'part chez nous. 250 kg qu'elle f'sait. Ah elle m'en a ramené des médailles avant de finir en jambon. Alors j'vous en mets combien ?

Kurt respira profondément soulagé. C'était bien une tranche de jambon roulée. Cette femme se promenait le corps lesté de tubes de tranches de jambon roulé et le vendait visiblement au marché noir. Une seule personne dans l'entourage de Kurt aurait pu avoir une idée pareille et persuader une pauvre jeune femme de la mettre à exécution.

– dites voir, vous z'auriez pas dans vos connaissance un type du nom de Kovac ? Petit, brun, costume, montre en or, du genre persuasif ?

– Oh mon dieu, vous connaissez Marek ? murmura-t-elle dans un souffle, toute trace d'accent soit disant percheron ayant soudain disparu.

— Ben oui, le père Charlie c’est une idée à lui. dit Kurt

— Ha vous étiez pas foutu de vendre des hot-dogs tout seul ?

— C’est compliqué, mon truc à moi c’est plutôt le caviar à l’origine, mais j’ai été victime d’un vieux qui est pas foutu de vérifier ses colis.

Pendant qu’ils se racontaient leurs malheurs un type de près de deux mètres tant de haut que de large avec des lunettes noires et un air patibulaire s’approcha d’eux.

— Psst, Psst fit-il pour tenter d’attirer discrètement leur attention (si tant est qu’un bestiau de cet acabit puisse être discret)… Vous avez-ma commande ?

— Hein ? Firent-ils d’une seule voix. Quelle commande ?

— J’ai entendu que vous parliez de Kovac, répondit l’Armoire à glace, il devait me faire passer un colis spécial : de la Poutine des Laurentides pour la Céline.

Kurt se dit qu'il n'avait pas le colis mais qu'il tenait peut être une occasion d'écouler une partie de son stock

— En fait j'ai pas de poutine, Mais si ça intéresse Céline, je peut lui montrer mes petites saucisses

L'instant d’après il vit un énorme poing se diriger vers on visage, puis il trouva de bon ton de s'évanouir.

 

 

 

 

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